Soutenance de la thèse de Vincent LUCCISANO

Les Xénacanthiformes sont un ordre de chondrichtyens du Paléozoïque principalement présents du Carbonifère supérieur au Permien inférieur dans les bassins intra-montagneux de la chaîne hercynienne européenne. Cet ordre se caractérise par une histoire systématique tumultueuse, aboutissant à diverses espèces douteuses. Dans le même temps, leur paléoécologie fait également débat. Historiquement considérés comme des organismes d'eau douce, des questions sur leur tolérance potentielle à l'eau salée ainsi que des schémas de migration vers le milieu marin ont récemment été soulevées.

Ces questions sont importantes dans deux bassins Carbonifère-Permien du Massif central français. Le Bassin d'Autun avec la localité de Muse OSB et le Bassin de Bourbon- l'Archambault avec la localité de Buxières-les-Mines sont connus depuis le XIXème siècle pour avoir fourni une riche collection de restes de xénacanthiformes et de chondrichtyens ainsi que d’autres groupes de vertébrés. Cependant, plusieurs espèces historiques sont discutables d'un point de vue systématique. Le paléoenvironnement de ces bassins est également ambigu. Alors qu'ils étaient considérés comme des environnements d'eau douce, principalement basés sur la présence de Xenacanthiformes, des études récentes ont plaidé pour des connexions potentielles avec le milieu marin à la fin du Carbonifère et au début du Permien.

À la lumière de ces interrogations sur la systématique et la paléoécologie des Xenacanthiformes du Permien inférieur du Massif central, cette thèse de doctorat a initié leur révision. Un premier objectif était de réviser la systématique des espèces historiques ainsi que de décrire des spécimens inédits. La technologie de micro-tomographie à rayons X a été utilisée pour l'imagerie d'échantillons non préparés ou non préparables. Par conséquent, certaines espèces historiques ont été invalidées alors que de nouvelles espèces, formes et occurrences d'espèces connues ont été décrites. Des analyses phylogénétiques et morphométriques géométriques ont permis de proposer de nouvelles hypothèses sur les relations des Xenacanthiformes au sein des chondrichtyens.

En parallèle, une analyse géochimique des isotopes stables utilisant les compositions isotopiques en oxygène, carbone et soufre des phosphates, sulfates et carbonates de la bioapatite des aiguillons dorsaux de xénacanthiformes, et des aiguillons, écailles et os des acanthodiens, actinoptérygiens et temnospondyles associés a été réalisée pour évaluer leur paléoécologie. Elles supportent une écologie d'eau douce pour les Xenacanthiformes de ces sites. En fonction des localités analysées, différentes écologies sont discriminées : le grand diplodoselachidé Orthacanthus et le petit xénacanthidé Triodus de Buxières-les-Mines vivaient dans un grand lac d'eau douce stable tandis que Triodus de Muse OSB pouvait vivre dans un environnement plus variable et supporter des épisodes d’assèchement.

Ces résultats ont permis de discuter la paléobiogéographie des Xenacanthiformes du Massif central et en Europe à la transition Carbonifère-Permien. Les grands xénacanthiformes ont évolué et se sont diversifiés dans de grands environnements d'eau douce à la fin du Carbonifère et ont presque disparu au début du Permien avec la disparition de ces milieux. Quelques-uns ont survécu dans des zones refuges comme le grand lac de Buxières-les-Mines. Les petits xénacanthiformes étaient plus adaptatifs et pouvaient survivre aussi bien dans des grands lacs que dans des marécages peu profonds comme à Muse OSB. Cette adaptabilité explique leur grande diversité à la fois au Carbonifère supérieur et au Permien inférieur.

These questions are significant in two Carboniferous-Permian basins from the French Northern Massif central. The Autun Basin with the Muse OSB locality and the Bourbon- l'Archambault Basin with the locality of Buxières-les-Mines are known since the 19th century to have provided a rich collection of xenacanthiform and chondrichthyan remains as well as associated vertebrate faunas. However, several historical species are highly questionable from a systematic point of view. The palaeoenvironment of these basins is also ambiguous. While they were considered as freshwater environments, mainly based on the presence of Xenacanthiformes, recent studies argued for potential connections with marine settings during the late Carboniferous and early Permian. 

In the light of these questions on the systematics and palaeoecology of the Xenacanthiformes from the early Permian of the Northern Massif central, this Ph.D. thesis initiated their revision. A first objective was to revise the systematics of historical species as well as the descriptions of unpublished specimens. X-ray computed microtomography technology was used for imaging unprepared specimens. Consequently, some historical species were invalidated whereas new species, forms and occurrences of known species were described. Phylogenetic and geometric morphometric analyses allowed to propose new hypotheses on the relationships of Xenacanthiformes among the chondrichthyans.

In parallel, a stable geochemical analysis using the oxygen, carbon and sulfur isotope compositions of the phosphates, sulfates and carbonates of the bioapatite of xenacanthiform dorsal spines, and spines, scales and bones of associated acanthodians, actinopterygians and temnospondyls were carried out to assess their palaeoecology. The main result is a clear freshwater ecology for the Permian Xenacanthiformes of the Northern Massif central. Furthermore, depending on the investigated localities, different ecologies were discriminated: the large diplodoselachid Orthacanthus and the small xenacanthid Triodus from Buxières-les- Mines lived in a large and stable freshwater lake whereas Triodus from the Muse OSB was able to live in more a variable environment and to endure drying up.

These results allowed to discuss the palaeobiogeography of the Xenacanthiformes in the Northern Massif central and in Europe at the Carboniferous-Permian transition. The large xenacanthiforms evolved and diversified in large freshwater environments during the late Carboniferous and went nearly extinct during the early Permian with the disappearance of these settings. A few of them survived in refuge areas like the large lake of Buxires-les-Mines. The small xenacanthiforms were more adaptative and could survive in large lakes to shallow swamps like in the Muse OSB. This adaptability explains their high diversity in both the late Carboniferous and early Permian.