Soutenance de la thèse de Camille TOUCHET

 

Les plastiques sont des témoins matériels de l'Anthropocène en raison de leur utilisation intensive et de leur propagation à l’échelle mondiale. La mauvaise gestion des déchets plastiques, leur accumulation dans l'environnement et leur fragmentation en particules sont aujourd'hui des préoccupations majeures. La pollution plastique est très complexe en raison de la diversité de ces matériaux : ils résultent du mélange des résines polymères avec une variété d’additifs chimiques pour adapter les propriétés techniques des matériaux à leurs usages. Ces compositions chimiques spécifiques compliquent l'évaluation de leurs caractéristiques écotoxicologiques et de leurs impacts sur les fonctions de l'écosystème, notamment sur les communautés microbiennes qui colonisent les surfaces plastiques en formant un biofilm : la plastisphère.
La plupart des études précédentes sur la plastisphère ont été réalisées dans des environnements marins et sur des microplastiques, sans tenir compte des caractéristiques des matériaux, qui peuvent exercer une forte influence sur les interactions plastique-biofilm. Par conséquent, la littérature sur la plastisphère d'eau douce est encore rare et les études difficilement comparables. La composition et le fonctionnement de la plastisphère d'eau douce ainsi que sa relation avec ses consommateurs primaires restent mal connus. Il est pourtant important d'étudier la plastisphère car les biofilms remplissent des fonctions cruciales en eau douce (production primaire, décomposition de la matière organique), qui soutiennent les flux biogéochimiques et les réseaux trophiques et protègent la qualité de l'eau.

Les objectifs de ce travail sont de combler ces manques de connaissances afin de fournir une vue d'ensemble des effets des macroplastiques sur les biofilms d'eau douce et leurs consommateurs, ainsi que de caractériser les plastiques pour distinguer les effets inhérents au matériau (type de polymère, rugosité de surface) de ceux de sa composition chimique (composition en additifs liée à l’usage du matériau). Cette thèse s'articule autour de trois questions : comment les plastiques affectent-ils (1) la composition des biofilms d'eau douce ? (2) leurs activités métaboliques et le fonctionnement de l'écosystème ? et (3) la relation entre ces biofilms et leurs consommateurs primaires ? Trois expériences ont été menées pour y répondre, chacune d'entre elles couplant l’incubation sur le terrain de biofilms sur des matériaux plastiques et contrôle suivie d'analyses en laboratoire. Une caractérisation des matériaux plastiques menée en parallèle est mentionnée dans chaque expérience. L'expérience 1 étudie comment les plastiques et la composition chimique spécifique à leur usage affectent la composition du biofilm d'eau douce et ses activités métaboliques globales. Neuf matériaux aux usages contrastés (médical ou alimentaire, non médical ou alimentaire et contrôle) sont incubés pour comparer les caractéristiques des biofilms (biomasses, composition élémentaire et pigmentaire) et le métabolisme (flux d'oxygène et activité enzymatique) entre les matériaux et les usages. L'expérience 2 évalue les effets de la composition élémentaire du plastique sur la tolérance du biofilm à quatre contaminants environnementaux et sur son métabolisme hétérotrophe. Les compositions des biofilms (les biomasses et le métabarcoding de l'ARNr 16), l'activité hétérotrophe (bêta-glucosidase) et les niveaux de tolérance (EC50) à la toxicité aiguë sont mesurés. L'expérience 3 cible les effets des biofilms associés au plastique sur les transferts d'énergie vers les niveaux supérieurs du réseau trophique. Elle expose un organisme brouteur, modèle de consommateur primaire, aux biofilms incubés et cible la qualité nutritionnelle du biofilm (composition en nutriments), sa consommation par les brouteurs, et les effets écotoxicologiques sur le consommateur (la croissance, la production de fèces, la reproduction et l'exposition aux microplastiques).